L’invitation de la fondation Sotto Voce à participer à l’exposition Architektur 0.16 a constitué une intéressante opportunité de nous interroger au sujet de notre pratique d’architectes. Malgré nos efforts pour conformer nos projets aux axes du développement durable, nous nous sommes rendus compte que nos réponses se concentraient surtout autour de l’efficience énergétique des bâtiments et de l’énergie grise des matériaux, en négligeant la question des déchets générés par les chantiers. Ce constat nous a poussé à utiliser un petit chantier de rénovation intérieure d’un budget d’environ 100’000 francs, comme laboratoire d’expérimentation des différentes alternatives à l’élimination d’éléments de la construction. Pour chaque pièce démontée, nous avons étudié son potentiel à être réutilisée, in situ ou ailleurs, conformément à sa fonction d’origine, ou selon un autre usage.
L’escalier et le poêle ont pu être revendus sur internet, l’ancien encadrement de porte en pierre d’Hauterive démonté soigneusement et stocké par le MO pour une extension future, les portes et les cadres démontés et remontés ailleurs dans la maison, le miroir du couloir retaillé sur place et reposé dans la salle de bain, le parquet d’origine découvert, réparé et complété, les anciens appareils électroménager donnés afin d’être utilisé dans une cuisine d’appoint.
Cet exercice nous a permis de mettre en évidence certains des facteurs qui poussent à l’élimination des éléments de la construction dans le cadre d’une rénovation : la tentation de l’architecte à vouloir faire tabula rasa, pour ensuite imposer sa vision ; l’envie du maître d’ouvrage d’occuper un appartement neuf ; la réticence des artisans à adhérer à ce genre de procédé, pour des raisons de garanties, ou simplement par facilité ; l’absence de filières bien rodées pour le réemploi d’éléments de la construction ; enfin, la nature même des matériaux, souvent bon-marché, rapidement abimés et irrécupérables, ou composites et donc difficiles à retravailler.
Cependant le potentiel de récupération de ces éléments existe et les solutions sont multiples. Nous croyons qu’il soit de notre responsabilité de sensibiliser les autres acteurs d’un projet aux alternatives existantes, et de les prendre en considération dès les premières phases du mandat, pour qu’il soit plus aisé de les mettre en pratique.
Les résultats de cet exercice ont été compilés et utilisés dans le cadre de l’exposition. Les déchets de chantier qui n’avaient pas pu être réutilisés, ont été partiellement conservé et déplacé à Zürich pour l’exposition. Ils ont été appareillés de façon à remplacer le volume de sagex qui avait été prévu par les organisateurs comme support d’exposition. La décontextualisation de ces débris, souvent ignorés par la plupart d’entre nous, se voulait dérangeante et poussait le visiteur à s’interroger sur la question du gaspillage et des alternatives possibles.